Le projet de centre de marques,
le référendum local

Mi-2001, la municipalité a dévoilé l'existence d'un projet de construction d'un centre de marques à Tournus, soulevant l'enthousiasme des uns, l'opposition farouche d'autres et... de nombreuses interrogations chez la plupart des Tournusiens.

Un centre de marques, qu'est-ce ?

D'après les partisans du projet tournusien, ce ne serait pas un centre de magasins d'usines comme à Troyes car on n'y vendrait que des produits de grandes marques et de "haut de gamme". Au plan légal, il n'y a cependant aucune différence : les mêmes règles s'appliquent aux produits vendus et les conditions d'implantation d'un tel centre sont identiques pour tous les centres commerciaux. Si la CDEC (Commission Départementale d'Equipement Commercial) puis la Commission Nationale donnaient leur aval à la construction de ce centre, les produits proposés seraient des invendus de l'année précédente soldés toute l'année avec un rabais de 30 % au moins.

Le projet

Le projet présenté par la société britannique GVA Collyer Coxhead Developments consistait à construire un complexe commercial (8 à 10 000 m² de bâtiments) au nord de Tournus, à proximité immédiate de l'échangeur entre l'autoroute A6 et la Nationale 6 (devenue depuis Route Départementale 906). Il est bien difficile de trouver meilleur emplacement sur l'axe Paris-Lyon-Marseille. Plusieurs millions de clients potentiels habitent dans un rayon de 100-120 km dans des villes telles que Dijon, Lyon, Genève...
Les commerces installés dans ce centre devaient vendre 80 % d'articles d'équipement de la personne (vêtements, chaussures, "accessoires"...) et 20 % d'articles d'équipement de la maison (voilage, décoration, bibelots...). Aucune information plus précise sur ce sujet n'étant publique, les spéculations étaient nombreuses, en particulier sur les marques qui pouvaient s'installer.
Le complexe se trouvant à 2 bons km du centre ville et n'offrant que peu de possibilités de restauration (afin d'inciter les chalands à visiter également le centre ville), une navette gratuite aurait permis de venir en ville.
Esthétiquement, le complexe commercial aurait eu l'apparence d'un village avec des rues à ciel ouvert pour passer d'une boutique à l'autre.

Le référendum local

Cédant à la demande de nombreuses personnes (dont le député d'alors, Arnaud MONTEBOURG, qui fut le premier à proposer l'organisation de ce référendum) et compte tenu du vif débat au sein de la population, le maire de Tournus a accepté de consulter les habitants de Tournus pour connaître leur sentiment sur le projet. Le référendum local a été fixé par le Conseil Municipal au dimanche 24 février 2002. Comme toute autre consultation, il a été précédé d'une campagne d'information et a été organisé dans des conditions bien définies par la loi. Cependant, le maire n'avait aucune obligation légale de suivre l'avis des électeurs !
Pour éviter une éventuelle annulation du référendum par le Préfet, la question posée était limitée au seul domaine de compétence du maire, l'attribution d'un permis de construire, et était libellée ainsi : "Etes-vous favorable à la délivrance d'un permis de construire autorisant la construction d'un centre de marques à Tournus ?"

Résultats du vote :
 4182 inscrits - 1851 votants (44,26 %) - 16 blancs et nuls
 1835 suffrages exprimés - 1597 Oui (87,03 %) - 238 Non (12,97 %)

Remarque : Si ce type de consultation est un premier pas en direction de la démocratie participative, on voit par cet exemple que beaucoup de chemin reste à accomplir pour passer de la démocratie presque exclusivement représentative actuelle à une démocratie réellement participative. En effet, si l'on ne peut que se réjouir du faible pourcentage de votes blancs et nuls, on ne peut que regretter le très fort taux d'abstention des électeurs (tout à fait comparable à celui de la plupart des référendums locaux organisés dans d'autres communes).

Projet suspendu

Le dossier du projet a été remis à la Commission Départementale d'Equipement Commercial (CDEC) en septembre 2003. La CDEC devait annoncer sa décision, autorisation ou interdiction d'ouverture, vers mars-avril 2004 mais la loi ayant allongé le délai imparti à la CDEC pour faire connaître sa position, celle-ci ne s'est réunie que le 20 juillet 2004. Le projet a alors reçu un avis négatif de 3 membres de la commission (le maire de Mâcon, le représentant de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Mâcon et celui de la Chambre des Métiers de Saône-et-Loire) et un avis favorable de 2 membres (le maire de Tournus et le représentant de la Communauté de Communes du Tournugeois). Le représentant des consommateurs s'est abstenu. On notera que pour les communautés de communes, leur président (ou son représentant s'il siège déjà à un autre titre) siège en lieu et place du conseiller général.
Mi-septembre 2004, la Ville de Tournus, la Communauté de Communes du Tournugeois et le promoteur britannique ont fait appel auprès de la Commission Nationale d'Equipement Commercial (CNEC). Celle-ci a également rendu un avis négatif le 16 décembre 2004, estimant en particulier que la zone de chalandise n'était guère plus vaste que celle d'un centre commercial traditionnel et risquait ainsi de déséquilibrer le commerce régional.

Projet relancé

Il était encore possible de déposer un recours en Conseil d'Etat mais une autre solution a été retenue. Une rencontre entre la Ville, le promoteur et des personnalités politiques locales a eu lieu le 18 février 2005 et, selon les informations données par le maire et son adjoint à l'économie au Conseil municipal réuni en séance publique le même jour, un nouveau dossier serait déposé par le promoteur devant la commission départementale. Le projet a ensuite été revu : plus vaste et plus haut de gamme car, initialement présenté aux Tournusiens comme devant offrir des produits de moyenne et haut de gamme, la CNEC aurait jugé que ce n'était pas le cas.
Le 27 mai 2005, le Conseil municipal de Tournus a adopté une modification du POS (Plan d'Occupation des Sols) afin de permettre la construction du centre de marques sur une plus grande surface conformément à la nouvelle demande d'autorisation déposée par le promoteur.
Le 17 septembre 2005, le Conseil municipal de Tournus a autorisé le maire à signer une promesse de vente d'un chemin communal (auparavant déclassé suite à une procédure démarrée en février 2005) afin d'étendre l'emprise du centre. Dans les mêmes moments, le maire a accordé un permis de construire au promoteur. On apprenait peu après que le futur centre de marques serait baptisé "Tournus Fashion Village Bourgogne".

Projet concurrencé

Coup de théâtre fin février 2006 : alors que la municipalité de Tournus et le promoteur tenaient une réunion publique d'information sur le projet tournusien, un autre projet était dévoilé la veille à Bellegarde-sur-Valserine, dans l'Ain, porté par un promoteur concurrent (lui aussi d'origine britannique). Deux questions se posaient désormais : lequel des deux verrait le jour en premier ? y aurait-il la place pour 2 centres de marques à une centaine de kilomètres l'un de l'autre ? Il fallait attendre encore quelques mois pour connaître les réponses à ces questions, le temps que les dossiers soient étudiés par les Commissions Départementales d'Equipement Commercial puis, après recours, par la Commission Nationale voire par le Conseil d'Etat.

Le suspense continue

En mai 2006, 3 enquêtes publiques étaient ouvertes en mairie de Tournus (du 9 mai au 12 juin inclus) portant sur l'impact commercial et environnemental du projet. Le 18 mai, l'adjoint aux finances de Tournus annonçait au conseil communautaire que le dossier pourrait être étudié par la CDEC sur la 2e quinzaine de septembre avant d'annoncer, mi-juillet, dans la presse locale que cet examen serait reporté d'un mois.
Jeudi 5 octobre 2006, la CDEC se prononçait sur le second projet : 3 voix pour (le maire de Tournus, le représentant du président de la Communauté de Communes du Tournugeois et le représentant de la Chambre de Commerce et d'Industrie), 1 abstention (le représentant des consommateurs) et 2 contre (le maire de Mâcon et le représentant de la Chambre des Métiers)... le projet était donc encore rejeté et il fallait de nouveau faire appel de la décision devant la Commission Nationale ce qui repoussait encore la décision finale de plusieurs mois.
Selon la municipalité de Tournus, il faudrait compter 15 mois pour construire le centre lorsque son ouverture serait définitivement autorisée.

Epilogue ?

20 mars 2007. A Paris, la CNEC statue de nouveau sur le projet et, cette fois encore, c'est NON. S'il ne veut pas jeter l'éponge tout de suite, le promoteur peut encore déposer un recours devant le Conseil d'Etat (le maire de Tournus peut aussi le faire et il a déclaré qu'il voulait le faire lors du conseil du 21 mars) ou déposer un nouveau projet devant la CDEC puis la CNEC mais, dans l'immédiat, c'est l'espoir de près de 350 emplois qui s'est envolé pour les Tournusiens.
On notera que le 29 mars la CDEC de l'Ain rejetait le projet de Bellegarde, suivie par la CNEC le 20 novembre 2007.

Naturellement, crise économique et financière de 2008 oblige, le promoteur a abandonné son projet et un nouveau projet concurrent, déposé à Beaune celui-ci, connaissait le même sort au cours de l'hiver 2008-2009.
Compte tenu de la situation géographique exceptionnelle de Tournus, un autre projet verra-t-il le jour lorsque la conjoncture économique sera de nouveau favorable à de tels projets ? Il est encore bien trop tôt pour s'aventurer à émettre un quelconque pronostic.